Wendy Roy, professeure agrégée
Collège des arts et des sciences
L’Université de la Saskatchewan
Homi Bhabha commence « Le monde et la maison », son essai sur le nationalisme, le postcolonialisme et les infidèles, par une discussion sur un livre avec une maison dans son titre. Les maisons occupent également une place importante dans les titres de deux romans canadiens du début du XXe siècle : Anne of Green Gables (1908) de L. M. Montgomery et Jalna (1927) de Mazo de la Roche. Les deux livres, en effet, centrent leurs personnages sur une maison spécifique et particulière ainsi que sur un pays spécifique et particulier, et présentent ainsi la maison comme un microcosme de la nation.
Cependant, comme le suggère la réinvention continue des livres de Montgomery et de la Roche par des traductions internationales répétées et des adaptations de la culture populaire, ces foyers canadiens fictifs offrent un terrain d’entente qui permet des mouvements complexes et parfois troublants entre le local, le national et le transnational. Ces œuvres et leurs adoptions et adaptations internationales (pour Anne of Green Gables, par Realart aux États-Unis en 1919, RKO aux États-Unis en 1934, Nippon Animation au Japon en 1979 et Sullivan Productions au Canada en 1985 ; pour Jalna, par RKO aux États-Unis en 1935, CBC au Canada en 1972 et France 2 en France en 1994) transforment la complexité des relations sociales et politiques internes et externes du Canada en un juste milieu imaginaire et nostalgique. Le chez-soi devient quelque chose d’inhabituel (Bhabha) : encore vaguement reconnaissable, mais déformé et défamiliarisé parce que le chez-soi est passé du local à l’international.